Notre référence permanente aux règles du Vivant nous conduit à replacer nos problématiques dans un environnement plus large qui donne tout son sens à notre parcours et laisse émerger des solutions originales. Illustration ici.
L’illusion d’une recherche du bonheur dans la sécurité
Après l’illusion entretenue par nombre d’idéologies promettant stabilité et permanence, force est de constater que la vie est mouvement et transformation. C’est dans l’acceptation de ces incertitudes qu’il devient possible de danser tout en trouvant une stabilité, un centre d’équilibre grâce à des points d’ancrage indépendant des circonstances imprévisibles de la vie.
Approche holistique
Beaucoup de processus de coaching, de formation ont tendance à se référer à une vision mécaniste, utilitaire de la vie et partant de l’homme. Rassurant, facile à comprendre avec le risque de passer à côté de la complexité des mécanismes à l’œuvre et de leur richesse.
L’homme
Trop souvent, les différentes théories sur l’être humain ne nous laissent voir que des parties, des morceaux d’une réalité. Lorsque toute l’attention se porte sur des pathologies, des problèmes, nous ne voyons plus l’être dans son ensemble, sa globalité. Nous nous privons alors d’une compréhension globale et limitons grandement nos possibilités de croissance.
Les étapes
Le processus de transition comporte, en effet, trois étapes, en suivant les rythmes de la nature. Automne : période d’achèvement pour que se fasse pleinement la récolte. Le printemps : l’émergence de la nouvelle vie. Entre les deux, il y a cette « Il y a une phase importante, en effet, qui est l’achèvement de la période précédente avant de pouvoir, en effet, tourner la page.
Vous avez dit « changement » ? Alors tournez vite la page et allez de l’avant ! Foncez.
La rupture avec le passé est consommée, alors ne perdons pas de temps et occupons-nous de l’avenir ! Logique, efficace, mais en contradiction avec les mécanismes de la transition à l’œuvre dans la nature : nous ne sommes pas des machines avec un bouton marche/arrêt !
Agissant trop souvent avec nous-mêmes dans nos transitions comme si nous étions « branchables » ou débranchables », nous cherchons à remettre vite la machine en marche, plutôt que de laisser à la vie le temps de faire son œuvre. Ainsi, on demande, à nous-mêmes et aux autres, de poursuivre le quotidien après une épreuve, comme si de rien n’était… Ou encore, on exige de quelqu’un qu’il s’adapte immédiatement à une nouvelle situation, faute de quoi on conclura qu’il a des difficultés d’adaptation ou qu’il est porteur de résistances. Bousculés par la course et les pressions sociales, emportés par la recherche constante du progrès, nous nous propulsons souvent dans une action rapide pour combler la perte laissée par l’achèvement, pour que le temps se remette au beau fixe le plus rapidement possible.
Alors, pas de temps à perdre dans notre société sous la dictature d’une soi-disante efficacité. Mais l’observation des rythmes de la nature et la connaissance de la psychologie humaine invitent à prendre son temps.
Ce qui est fascinant dans la nature, c’est de constater comment les changements se font doucement, peu à peu et presqu’imperceptiblement. Puis soudain, la forme change, c’est le dégel, la fonte des neiges ou la chute des feuilles. N’est-ce pas aussi de cette façon que le changement s’enracine dans nos vies… dans un mouvement naturel, d’abord imperceptible, puis de façon plus marquée ?
La première phase de la transition consiste à faire la rupture avec l’ancien, la fin de ce qui était. Cette rupture est suivie d’une période de confusion, de flou, de vide qui ressemble à l’hiver. Puis, comme le printemps, arrive enfin le commencement, la création.
Or deux étapes de la transition sont souvent négligées : l’achèvement de l’automne et la dormance de l’hiver.
Le nécessaire achèvement de l’automne
L’automne, c’est le temps des labours, mais aussi des moissons. Le moment où l’on engrange les récoltes, prépare les conserves, fait les vendanges. Ainsi en est-il pour nos transitions. Amener l’individu en changement à voir ce qu’il a acquis, ce qu’il garde, ce qu’il est devenu à travers le chapitre de sa vie qui se termine, c’est l’accompagner dans ses moissons, dans ses récoltes. L’achèvement est aussi très difficile parce que la perte nous fait croire qu’en plus de sauter dans le vide et l’inconnu, on repart les mains vides. « J’ai fait tout cela pour rien ». Faire place aux récoltes dans l’achèvement, c’est permettre au transitant de redevenir quelqu’un, de s’approprier l’expérience vécue, c’est prendre le temps de remplir le sac à dos pour le voyage à entreprendre. C’est ce que plusieurs personnes appellent le travail de l’héritage, et que j’appellerai plutôt « les récoltes ». Voir que l’on ne part pas les mains vides, remplir ses bagages, cela permet de mieux partir, de mieux finir. Et cela rejoint le sens du mot « achèvement », c’est-à-dire que l’on va jusqu’à la « perfection de l’œuvre passée », en se l’appropriant. Le voyage à entreprendre ne sera pas plus facile, mais on pourra au moins l’aborder autrement avec, en main, toute notre richesse.
Pour achever, il est précieux de couper, de « marquer », de symboliser cette coupure
C’est ainsi que pour marquer la fin il sera possible de trouver un objet, un geste ou un rituel personnel pour indiquer ce qui est perdu et ce qui est gardé
La féconde dormance de l’hiver
Dans la perspective d’un changement de vie, observer le fonctionnement du vivant conduit à aborder de manière plus lucide cette redoutable période « intermédiaire » trop souvent ignorée, entre ce que l’on quitte et les nouveaux rivages auxquels on espère accoster.
Thomas Moore apporte à ce sujet un bel éclairage : « En fait, le pouvoir surgit quand nous éprouvons le sentiment de vide et que nous résistons à la tentation de remplir prématurément ce manque. Nous devons contenir le vide. Nous laissons trop souvent échapper ce vide fertile en cherchant des substituts au pouvoir. La tolérance de la faiblesse, pourrait-on dire, mène à la découverte du pouvoir ; toute démonstration de force pour échapper à la faiblesse n’appartient pas au pouvoir véritable. L’âme ne peut pas se manifester si nous remplissons constamment tous les vides par des activités bidons ».
N’est-ce pas ce que nous cherchons trop souvent à faire dans notre monde moderne, remplir le vide par de l’activisme ? En faisant cela, nous ne faisons plus de place à l’hiver, à l’essentielle errance, à l’âme de la transition. Dans notre monde, l’errance n’est donc plus perçue comme une partie importante de la transition mais comme un état temporaire de perte qu’il faut endurer. Peut-être ne faut-il pas se demander alors pourquoi il est si difficile de vivre les transitions. Une telle vision ne fait aucune place à l’émergence du sens de la perte et ne reconnait pas la sensation « d’être perdu » qu’entraine la période d’achèvement. En évitant la zone neutre, en cherchant à sortir prématurément de l’essentielle errance, non seulement on compromet le changement, mais on se prive de l’occasion qu’offre la transition de toucher à ce moment unique de créativité, de renouveau, de développement. L’errance est à ce point essentielle que c’est cette saison qui porte les germes du commencement, l’aube du printemps.
Un animateur atypique
J’ai la chance de pouvoir animer l’intégralité des volets constituant le stage pluridisciplinaire d’une semaine « Trouver sa voie… » ce qui permet de créer dans la continuité une relation féconde avec les participants. Je n’interviens pas comme expert, comme life coach, psy ou autre spécialiste. Je m’engage simplement à partager avec humilité les enseignements que j’ai tiré de mes expériences de vie éclairées par de multiples rencontres, par de nombreuses lectures et une réflexion permanente enrichie par le vécu des personnes venant, depuis plus de 15 ans, participer à mes stages.
Les lignes ci-dessus proviennent principalement de Michèle Roberge et son livre « Tant d’hiver au cœur du changement »