Ce nouveau paradigme, dont les principes suivants participeront à en définir les modalités, repose sur une règle fondamentale qu’il convient de méditer.
« Distinguer sans disjoindre et associer sans identifier ou réduire », écrit Edgar Morin dans « Introduction à la pensée complexe ».
Ce premier principe a une double vertu : nous préparer au changement et en comprendre la nature.
1. Changez de paradigme
Ce nouveau paradigme, dont les neuf principes suivants participeront à en définir les modalités, repose sur une règle fondamentale qu’il convient de méditer. « Distinguer sans disjoindre et associer sans identifier ou réduire », écrit Edgar Morin dans « Introduction à la pensée complexe ».
Ce premier principe a une double vertu : nous préparer au changement et en comprendre la nature.
2. Reliez
Étymologiquement, complexité renvoie au terme latin complexus qui signifie « ce qui est tissé ensemble ». Dès lors, pour « penser complexe », il faut s’astreindre à un travail de tisserand en reliant les points de vue, les disciplines, les niveaux d’analyse.
Un tel travail de « reliance » implique un double mouvement. Le premier est physique : il faut sortir de ses silos, se déplacer vers l’Autre, aller voir ailleurs (vous y êtes sûrement). Le second mouvement est psychologique : il s’agit de faire preuve d’empathie, de compassion pour entrer dans le monde de l’Autre, le comprendre et parvenir à multiplier les points de vue. Ainsi, relier nécessite de se relier (mais ça c’est un autre sujet)…
3. Appliquez le principe d’irréductibilité
le principe fondamental de la pensée complexe que Morin nomme « principe d’irréductibilité ».
Pour comprendre l’Autre, ce principe peut s’avérer d’une grande utilité car il invite à ne pas réduire l’autre à quelques actions ou discours. Il renvoie à la définition que le philosophe Hegel donnait de la « pensée abstraite » :
« Voilà donc ce qu’est la pensée abstraite : ne voir dans le meurtrier que cette abstraction d’être un meurtrier, et, à l’aide de cette qualité simple, anéantir tout autre caractère humain. »
4. Face à la contradiction, pensez dialogique
Relier sans réduire : que faire de ce principe face aux paradoxes, face à ce qui semble contradictoire et irréconciliable ? Que faire face aux contradictions objectives qui complexifient les organisations ?
Relier sans réduire : que faire de ce principe face aux paradoxes, face à ce qui semble contradictoire et irréconciliable ? Que faire face aux contradictions objectives qui complexifient les organisations ?
. Pour Morin, nul besoin de synthétiser ! Certes, il faut considérer les complémentarités mais sans chercher à effacer les contradictions. Ainsi, il faut adopter une double logique (d’où dialogique) : penser simultanément les contradictions et les complémentarités.
5. Dépassez la controverse agent/structure par l’hologrammatique
Dans un hologramme physique, chaque point de l’image comporte la totalité de l’image. Ainsi, le Tout (l’image globale) est dans chaque partie et les parties sont dans le Tout. La société est donc dans chaque individu (par le langage, la culture…) tout comme chaque individu est dans la société (par son existence en son sein). Ainsi, le principe « hologrammatique » implique une vision dialogique : l’individu et la société, bien qu’antagonistes, sont complémentaires car compris l’un dans l’autre.
6. Cherchez la récursivité en toute causalité
On peut alors se demander comment la société se retrouve dans l’individu, et vice et versa ? C’est là qu’un nouveau rapport à la causalité devient nécessaire ; un passage d’une causalité linéaire (qui obligerait à trancher entre l’une des propositions) à une causalité récursive qui pourrait se résumer ainsi : l’individu produit la société qui le produit.
7. N’ayez pas peur du désordre
un mode de pensée qui peut vite laisser place au désordre… et donc accroître la complexité. Toutefois, ne cédons pas à la crainte : selon le deuxième principe de la thermodynamique, tout système tend vers le désordre (on parle d’« entropie »). Ainsi, penser la complexité implique de penser le désordre et non de le fuir.
8. Devenez stratèges
Les différents principes précédents soulignent bien la nature d’intelligence que nécessite la complexité. Ainsi, dans un monde complexe, il faut penser en stratège. Se préparer à l’inattendu et développer une intelligence stratégique pour saisir les opportunités et faire face aux aléas néfastes. Comme l’explique Morin dans « Introduction à la pensée complexe » :
« Le mot stratégie ne désigne pas un programme prédéterminé qu’il suffit d’appliquer ne variatur (sans possibilité de changement) dans le temps. La stratégie permet, à partir d’une décision initiale, d’envisager un certain nombre de scénarios pour l’action, scénarios qui pourront être modifiés selon les informations qui vont arriver en cours d’action et selon les aléas qui vont survenir et perturber l’action ».
9. Toute action est aussi un pari
Bien que « la complexité appelle la stratégie », l’action demeure un problème pour la complexité car l’action simplifie, tranche, réduit, exclut des possibilités par rapport à d’autres.
Dès lors, on peut envisager le passage à l’action comme un « pari » éclairé par la pensée complexe. Cette notion de « pari » est essentielle pour se remémorer la dimension incertaine que comporte toute action et le parti pris qu’engage toute décision.
Dès lors, comme l’a démontré le philosophe Laurent Bibard, il devient difficile de parler de bonne ou mauvaise décision ; seule compte le processus de prise de décision. Les actes valent par leurs intentions.
10. L’autocritique est une hygiène quotidienne
Dernier principe (et non des moindres) : plutôt que la critique, privilégier l’autocritique. Comme l’écrit Morin dans le sixième tome de « La méthode », consacré à l’éthique : « On ne peut vivre sans être partiellement bouché, bête, aveugle, pétrifié. Mais c’est à la clôture, à l’aveuglement, à la pétrification que l’esprit doit, intellectuellement, éthiquement, résister. L’autocritique devient ainsi une culture psychique quotidienne plus nécessaire que la culture physique, une hygiène essentielle qui entretient une conscience veilleuse permanente ».