Retrouver les causes psychologiques du « désenchantement du monde »
Comment expliquer qu’alors que nous sommes toujours plus conscients des enjeux environnementaux nous restions pessimistes vis-à-vis des possibilités de changement ?

Constats
Dans une interview donnée pour le journal Le Temps, l’écothéologien Michel Maxime Egger revient sur les causes psychologiques pouvant éclaircir le détachement des hommes vis-à-vis de leur environnement. Il souligne à ce propos que le terme d’ « environnement » lui-même est symptomatique de cette distance qu’a entretenue l’homme – occidental du moins – avec sa planète. En effet, parler d’ « environnement » c’est déjà établir une limite entre nous et ce qui nous entoure, entre ce qui relève de l’humain et ce qui relève de la nature. En plus de se placer à l’extérieur de son environnement, l’homme s’est également placé au-dessus de celui-ci, bâtissant des tours toujours plus hautes pour contempler ces « mers de nuages » et repousser le plus loin possible tout ce qui nous rattache à la nature. Aujourd’hui la technologie, et à plus forte raison les développements de la réalité virtuelle, continuent à nous dissocier un peu plus de ces espaces naturels, pourtant bien réels eux.

Orgueil et aveuglement
Mais bien loin d’être un mal contemporain, cette tendance remonterait « à l’époque de la domestication de la nature, il y a douze mille ans », d’après certains écopsychologues. Les mythes fondateurs aidant, nous nous sommes engagés pleinement vers la voie d’une désacralisation de la nature. Pour Michel Maxime Egger, les mythes aident à comprendre les dessous psychologiques expliquant notre relation « longue distance » avec l’environnement. Les mythes de Frankenstein et de Cassandre pourraient respectivement être sous-titrés « Orgueil » et « Aveuglement » : orgueil pour cette « croyance » très humaine « en une croissance illimitée » et aveuglement pour notre surdité envers les messages (même prophétiques) annonciateurs de terribles désastres.

Le climat se réchauffe car nos cœurs sont trop froids
Pourtant cet auto-aveuglement orgueilleux, n’est pas tant une attitude volontaire estime l’écothéologien. Selon lui, « le climat se réchauffe car nos cœurs sont trop froids », c’est-à-dire que, quand bien même nous sommes bombardés de messages alarmistes sur la situation critique de notre planète, tant que notre cœur ne sera pas touché, aucun changement ne sera véritablement efficace. Les données chiffrées, les rapports alarmants, les bilans pessimistes parlent à notre raison mais « sont souvent perçus comme une abstraction, une vague menace pour demain ». Tout changement dans nos modes de vie devient alors une épreuve, qui nous apparaît bien souvent comme un sacrifice au nom d’une cause démesurée, au-delà de nos forces.

Doit-on se résigner ?
Bien au contraire ! L’écopsychologie prend le pari d’envisager ces modes de fonctionnement davantage comme des pathologies que comme une soi-disant nature humaine. Michel Maxime Egger explique : « Selon l’écopsychologue Joanna Macy, nous avons le choix entre trois histoires. La première est le business as usual, qui revient au déni de réalité. La deuxième est la grande désagrégation, caractérisée par des sentiments d’impuissance et de découragement. Le troisième scénario, à mon avis le seul réaliste, est celui du grand tournant, de la transition vers un mode de développement qui ne détruit plus la vie mais la soutient, l’honore et l’exalte ».

Pour inviter au changement…

deux prises de conscience sont nécessaires : l’adoption d’un mode vie prônant la « sobriété heureuse », selon la formule chère à Pierre Rabhi, et le changement de nos modes d’informations pour passer du pessimisme abstrait à l’optimisme concret. En valorisant les initiatives et les expériences « qui célèbrent la vie dans les domaines les plus variés : l’agroécologie, l’agriculture de proximité, l’économie sociale et solidaire, les modes d’éducation alternatifs, les villes en transition, les écovillages, etc. », nous pouvons encore changer les choses et initier le « réenchantement du monde » !

By Gerard