PLAN
- Transition et sacré
- Citations
- René Guénon
- Mircea Eliade
- Durkheim
- Sacraliser le profane, profaner le sacré
Transition et sacré
La perspective d’une nouvelle alliance avec la Vie va apporter un éclairage particulier à toutes nos activités en leur donnant véritablement du sens. Ce changement de perspective s’accompagne d’un enthousiasme qui nous fait apparaitre les moindres gestes écologiques comme une nécessité intérieure et non pas comme une obligation morale, réglementaire ou sociale.
Ces gestes deviennent de l’ordre de l’évidence ; ils traduisent l’amour et le respect portés à la nature, sentiments qui naissent spontanément de la conscience toujours plus vive de notre unité avec elle, de la conscience aussi de partager une communauté d’être et de destinée dans le cosmos. Il en est de même pour toutes nos activités exécutées avec la conscience de notre connexion au vivant. La notion de sacré émerge alors naturellement. Comment en parler ? Le sacré peut être évoqué en dehors des religions (mais pas en contradiction avec elles) :
(Le sacré) est une expérience,
il se traduit par le sentiment de ce qui relie les êtres et les choses
et, par conséquent, il induit dans les tréfonds de l’être humain
le respect absolu des altérités unies par la vie commune
sur une seule et même Terre. Basarab Nicolescu
Avec la dimension sacrée, la transition entre dans la démarche d’écospiritualité, dimension intérieure sans laquelle ses promesses ne sauraient guère être tenues. C’est ce que développe MM Egger
Citations
Il y a deux façons de concevoir sa vie. Une est de croire que les miracles n’existent pas. L’autre est de croire que chaque chose est un miracle. – Albert Einstein
René Guénon
Dans une civilisation intégralement traditionnelle, toute activité humaine, quelle qu’elle soit, possède un caractère qu’on peut dire sacré, parce que, par définition même, la tradition n’y laisse rien en dehors d’elle ; ses applications s’étendent alors à toutes choses sans exception, de sorte qu’il n’en est aucune qui puisse être considérée comme indifférente ou insignifiante à cet égard, et que, quoi que fasse l’homme, sa participation à la tradition est assurée d’une façon constante par ses actes mêmes.
Il n’y a d’ailleurs que la seule civilisation occidentale moderne qui, parce que son esprit est essentiellement anti-traditionnel, prétende affirmer la légitimité du profane comme tel et considère même comme un « progrès » d’y inclure une part de plus en plus grande de l’activité humaine, si bien qu’à la limite, pour l’esprit intégralement moderne, il n’y a plus que du profane, et que tous ses efforts tendent en définitive à la négation ou à l’exclusion du sacré.
Cette affirmation d’un domaine profane, qui transforme indûment un simple état de fait en un état de droit, est donc, si l’on peut dire, un des postulats fondamentaux de l’esprit anti-traditionnel, puisque ce n’est qu’en inculquant tout d’abord cette fausse conception à la généralité des hommes qu’il peut espérer en arriver graduellement à ses fins, c’est-à-dire à la disparition du sacré, ou, en d’autres termes, à l’élimination de la tradition jusque dans ses derniers vestiges.
Même les hommes qui s’estiment « religieux » (…) sont affectés par l’esprit moderne à un tel point que, tout comme les autres, ils regardent la distinction et même la séparation du sacré et du profane comme parfaitement légitime, et que, dans l’état de choses qui est celui de toutes les civilisations traditionnelles et normales, ils ne voient plus qu’une confusion entre deux domaines différents, confusion qui, suivant eux, a été « dépassée » et avantageusement dissipée par le « progrès » !
Mircea Eliade
Chapitre I. L’espace sacré et la sacralisation du Monde
« Pour l’homme religieux, l’espace n’est pas homogène ; il présente des ruptures, des cassures : il y a des portions d’espace qualitativement différentes des autres. « N’approche pas d’ici, dit le Seigneur à Moïse, ôte les chaussures de tes pieds ; car le lieu où tu te tiens est une terre sainte » (Exode, III, 5). Il y a donc un espace sacré, et par conséquent « fort » significatif, et il y a d’autres espaces, non-consacrés et partant sans structure ni consistance, pour tout dire : amorphes. Plus encore : pour l’homme religieux, cette non-homogénéité spatiale se traduit par l’expérience d’une opposition entre l’espace sacré, le seul qui soit réel, qui existe réellement, et tout le reste, l’étendue informe qui l’entoure. »
Chapitre II. Le Temps sacré et les mythes
« Pas plus que l’espace, le Temps n’est, pour l’homme religieux, homogène ni continu. Il y a les intervalles de Temps sacré, le temps des fêtes (en majorité, des fêtes périodiques) ; il y a d’autre part, le Temps profane, la durée temporelle ordinaire dans laquelle s’inscrivent les actes dénués de signification religieuse. Entre ces deux espèces de temps, il existe, bien entendu, une solution de continuité ; mais, par le moyen des rites, l’homme religieux peut « passer » sans danger de la durée temporelle ordinaire au Temps sacré. »
Chapitre III. La sacralité de la Nature et la religion cosmique
« Pour l’homme religieux, la Nature n’est jamais exclusivement « naturelle » : elle est toujours chargée d’une valeur religieuse. Ceci s’explique, puisque le Cosmos est une création divine ; sorti des mains des dieux, le Monde reste imprégné de sacralité. Il ne s’agit pas seulement d’une sacralité communiquée par les dieux, celle, par exemple, d’un lieu ou d’un objet consacré par une présence divine. Les dieux ont fait plus : ils ont manifesté les différentes modalités du sacré dans la structure même du Monde et des phénomènes cosmiques. »
Durkheim
Les phénomènes religieux se rangent tout naturellement en deux catégories fondamentales : les croyances et les rites. Les premières sont des états de l’opinion, elles consistent en représentations; les secondes sont des modes d’action déterminés. Entre ces deux classes de faits, il y a toute la différence qui sépare la pensée du mouvement.
Les rites ne peuvent être définis et distingués des autres pratiques humaines, notamment des pratiques morales, que par la nature spéciale de leur objet. Une règle morale, en effet, nous prescrit, tout comme un rite, des manières d’agir, mais qui s’adressent à des objets d’un genre différent. C’est donc l’objet du rite qu’il faudrait caractériser pour pouvoir caractériser le rite lui-même. Or, c’est dans la croyance que la nature spéciale de cet objet est exprimée. On ne peut donc définir le rite qu’après avoir défini la croyance.
Toutes les croyances religieuses connues, qu’elles soient simples ou complexes, présentent un même caractère commun : elles supposent une classification des choses, réelles ou idéales, que se représentent les hommes, en deux classes, en deux genres opposés, désignés généralement par deux termes distincts que traduisent assez bien les mots de profane et de sacré. La division du monde en deux domaines comprenant, l’un tout ce qui est sacré, l’autre tout ce qui est profane, tel est le trait distinctif de la pensée religieuse; les croyances, les mythes, les gnomes, les légendes sont ou des représentations ou des systèmes de représentations qui expriment la nature des choses sacrées, les vertus et les pouvoirs qui leur sont attribués, leur histoire, leurs rapports les unes avec les autres et avec les choses profanes. Mais, par choses sacrées, il ne faut pas entendre simplement ces êtres personnels que l’on appelle des dieux ou des esprits; un rocher, une source, un caillou, une pièce de bois, une maison, en un mot une chose quelconque peut être sacrée. Un rite peut avoir ce caractère; il n’existe même pas de rite qui ne l’ait à quelque degré. Il y a des mots, des paroles, des formules qui ne peuvent être prononcés que par la bouche de personnages consacrés; il y a des gestes, des mouvements qui ne peuvent être exécutés par tout le monde. (…) Le cercle des objets sacrés ne peut donc être déterminé une fois pour toutes; l’étendue en est infiniment variable selon les religions. Voilà comment le bouddhisme est une religion : c’est que, à défaut de dieux, il admet l’existence de choses sacrées, à savoir des quatre vérités saintes et des pratiques qui en dérivent.
Sacraliser le profane, profaner le sacré
Une métaphore d’Olivier Clerc
Imaginez deux moines côte à côté, assis les yeux fermés, une cigarette aux lèvres. De l’extérieur, rien ne les distingue. Passe l’abbé qui leur demande, chacun leur tour, ce qu’ils font. À l’écoute de leur réponse, il approuve chaleureusement le premier, tandis qu’il sermonne sévèrement le second. Le premier lui avait expliqué qu’il priait en fumant. Le second avait avoué fumer en priant. Ces deux moines semblent faire la même chose, sauf que leur centre de gravité n’est pas au même endroit, leur motivation n’est pas la même.
C’est toute la différence entre sacraliser le profane et profaner le sacré. Dans le premier cas, on infuse de la conscience dans un acte profane et, ce faisant, on le sacralise, comme ce « doctor » amérindien qui consacrait à l’Esprit divin les 4 bouffées du tabac sauvage qu’il fumait, au début d’une guérison. Dans le second, on vide de son contenu un acte sacré en soi, en l’effectuant machinalement : prières dites sans conscience, rites religieux pratiqués sans âme.
L’esprit est dans la conscience, dans l’intention, dans la finalité,
plus que dans la forme, le rituel ou le mantra récité.
Pour qui le veut, tout peut être conscientisé, spiritualisé !
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