C’est la Saint-Jean d’hiver, le 21 décembre!
Janus aux deux visages, regarde enfin vers la lumière: la porte de l’hiver mène au renouveau.
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Au-delà de l’analogie banale du déroulement de la vie avec le passage d’une année: printemps de l’enfance, été de la plénitude, automne de la maturité et hiver de la vieillesse, le cycle de notre propre énergie est lui-même lié aux saisons. Les anciens le savaient, pour qui l’hiver était temps de réparation des outils et des forces humaines, temps de rester chez soi en famille, de causer, de conter, de décanter les expériences de l’année active. Temps d’attendre aussi : l’hiver enseignait le retrait et la patience. Nous qui nous reposons l’été, période d’intense activité naturelle, et nous agitons l’hiver, mois de dormance, nous connaissons la fatigue, la déprime et le non sens de qui vit contre nature !
L’hiver consomme la mort apparente de la végétation et de la vie, qui semble pour jamais ravie dans les profondeurs de la terre. Le végétal emblématique de la fécondité subit le cycle de disparition, pourrissement, germination, avant de connaître à nouveau la production et l’épanouissement. Ainsi, dans le mythe grec qui raconte de façon imagée cet éternel cycle épique du vivant, vie/mort et résurrection, Coré, la jeune fille divine, fille de Déméter et déesse de la jeunesse et de la fraîcheur végétale, disparaît-elle dans les entrailles de la terre pour y épouser le roi des enfers. Là, elle devient la redoutée Perséphone, maîtresse du royaume des morts. En dessous l’attend son empire d’où elle ressort au bout du temps de dormance de l’hiver, pour faire à nouveau éclater à la surface de la terre, au soleil des vivants, la manne divine qui nourrira bêtes et gens.
Dans le miroir de ce cycle, nous pouvons mieux lire aussi ceux qui nous conduisent vers notre propre réalisation, au long de notre cheminement individuel.
Automne, labours avant les semailles, déconstruction, désadaptation, disparition des anciens modes, des anciennes façons de voir et de faire. Deuils nécessaires, dépression parfois, « descente aux enfers », (littéralement comme Coré). Lâcher-prise difficile, car le renouveau tant espéré est encore loin, et il nous arrive à ces moments de craindre qu’il ne vienne jamais. Le même doute étreignait jadis les communautés humaines qui alors avaient de nombreux rites propitiatoires pour que les dieux soient favorables et que le soleil revienne briller.
Tout s’assombrit encore. Rien ne va plus. C’est l’hiver, la mort apparente, la régression, le reflux de la sève des branches vers les racines. L’arbre au lieu de croître se renforce. De même pour les pauvres humains dans l’hiver de la dépression, tout est suspendu, sombre, stagnant et pourtant cette vie qui semble s’arrêter nous renforce. Les anciennes blessures, les sombres souvenirs, les années perdues remontent à la mémoire et nous serrent la gorge. Et il faut l’endurer, cet hiver de notre vie, une saison nécessaire, car « si le grain ne meurt, disent les écritures, il ne pourra pas renaître et ne portera pas de fruit ».
Au plein coeur de la nuit la plus noire, au plus cruel de l’hiver, pourtant l’espoir renaît. La graine gisant dans la terre se gonfle d’une vie mystérieuse et fait céder son enveloppe pourrissante. Une nouvelle vie s’élance, irrésistible. Les fêtes dans toutes les traditions commémorent cette insigne grâce : la lumière née des ténèbres-même, va reconquérir la terre: Diwali en Inde allume toutes les flammes; Coré- Perséphone une branche de gui à la main qui lui ouvre les portes des l’enfers, se met en route pour retrouver la surface de la terre et sa mère, déesse des moissons, Hanoukka allume les Sept flambeaux sacrés de la nouvelle année. Jésus, dans le dénuement obscur d’une étable, naît pour éclairer le monde.
C’est le temps de la lente remontée vers la lumière. Les jours rallongent, le printemps est en route, avec ses promesses que la plénitude de l’été tiendra. Jusqu’à la St jean d’été, l’apogée de l’année et le début d’un nouveau cycle de descente.
Ainsi en est-il des hommes et des femmes qui traversent des épreuves : dans le plus noir du désespoir, naît véritablement le renouveau.
Texte de Carole Perle