Simplicité de la photo méditative.
Simplicité en ce qui concerne l’environnement photographié. Plus celui-ci sera « ordinaire », plus l’essentiel a une chance d’apparaître. Plus le style de photo va se trouver aussi mis à la portée du plus grand nombre. Inutile de rêver de sommets vertigineux ou d’atolls féériques. Le miracle de la vie est à débusquer au quotidien dans la banalité qui s’offre à nos yeux.
Simplicité aussi au niveau technique, surtout aujourd’hui où la technique de retouche d’image remplace et va bien au-delà des multiples filtres utilisés par le passé.
La simplicité photographique a été le fil conducteur que je m’étais imposé pour la réalisation du livre « Déserts ». Voici ce que j’en disais déjà en 1993 dans sa préface.
Si les sujets photographiés comportent de multiples éléments symboliques pouvant parler à l’imaginaire, le style même des images véhicule à sa manière un message.
Le cadrage se fait exclusivement à l’horizontale, ce qui symbolise la terre, la condition humaine, pour laisser émerger, à travers un telle contrainte dûment acceptée, assumée, une réelle aspiration verticale non influencée par une orientation matérielle de l’image, mais suscitée par une réalité intérieure qui peut alors se manifester librement.
L’œil est un sens redoutable : il nous enferme dans le monde des objets auxquels il a donné un nom. Se libérer de la tutelle du mental permet de retrouver la fraicheur de notre regard d’enfant : s’émerveiller d’une goutte d’eau et découvrir le jamais vu avec la sagesse de renoncer à la quête du spectaculaire. Cette libération permet aussi d’échapper à la sélectivité du mental qui n’enregistre que la partie nette et « utile » pour lui du champ de vision en nous privant du reste. Le flou d’un sujet en mouvement, la modification des perspectives, le manque de netteté résultant parfois de faibles profondeur de champ, concourent à éduquer notre regard pour voir ce qui est, pour passer de « voir quelque chose » à l’état de voir, puis pour tenter d’effleurer au-delà des apparences ce qui informe toute existence matérielle.
Je pourrais encore ajouter, pour être plus précis au niveau « prise de vue », que les photos, non seulement n’ont pas été retouchées, mais qu’il n’y a eu aucun recadrage. Les seuls paramètres conditionnant le résultat sont : choix de la longueur focale, choix de l’heure, parfois après le coucher du soleil, modulation des temps de pose pouvant nécessiter l’usage de pieds. Les flous ne résultent pas que d’une maitrise de la mise au point ; des branches ou autres, quasiment au contact de l’objectif, peuvent créer des diffractions heureuses. L’effet de « grain » provient en bonne partie du choix d’un papier 20% chiffon, à l’opposé des papiers glacés assurant habituellement le meilleur rendu photographique. Le seul « trucage » a consisté en surimpressions : mais faites à la prise de vue et non ensuite, le processus respecte l’unité de temps et de lieu tout en illustrant l’amplitude variable de notre regard à même d’appréhender un paysage dans sa globalité et un détail qui s’y trouve. Tel est le cas de la couverture du livre.
C’est ainsi que la photo n’est plus du tout une reproduction d’un réel mais une suggestion de quelque chose qui va au-delà du réel perceptible, une prise de conscience du mystère du monde visible pouvant nous conduire à nous interroger sur son origine invisible. « Tout ce qui est visible est un invisible élevé à un état de mystère » disait le poète Novalis.
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